Martin Bilodeau
Rédacteur en chef de Mediafilm, devant les archives papier de l’agence dans le presbytère Saint-Stanislas
L’histoire de Mediafilm est des plus originales : l’agence apparaît en 1955 comme un service du Centre diocésain du cinéma, de la radio et de la télévision de Montréal, un organisme religieux québécois chargé d’apposer une valeur morale aux contenus médiatiques. Devenu plus tard l’Office des communications sociales, l’agence renonce peu à peu sa mission religieuse pour devenir une référence fiable dans le monde de la critique de cinéma. L’organisation, aujourd’hui appelée Communications et Société et dirigée par Pierre Murray, est parvenu au fil du temps à construire une archive impressionnante de contenu sur plus de 72 000 films.
Chaque semaine, l’Office des communications sociales publiait des critiques, accompagnées d’une cote morale, destinées aux ciné-clubs dans les sous-sols des églises. Les cotes «à proscrire» (« … un chrétien sincère ne saurait y assister sans raison sérieuse ») et « à déconseiller » (« Même les adultes avertis n’assisteront pas à de tels films sans motifs sérieux »), n’auront « malheureusement » pas l’effet espéré par ses créateurs, sinon plutôt son contraire…
En 1968, l’abbé Robert Claude Bérubé transforme cette cote morale en cote d’évaluation artistique. Elle est divisée en 7 échelles -en référence au 7ème art- allant de 1 (« Chef d’oeuvre ») à 7 (« Minable »). Ce système de cotation unique rencontre un bien meilleur succès que le précédent et est encore utilisé de nos jours.
« On est un espèce de phare dans la durée. On fait le travail avec la même passion et la même rigueur depuis le début. Toutes les semaines il y a des nouveaux films et on les voit tous. »
Pour Martin Bilodeau, rédacteur en chef, l’agence de presse joue un rôle précieux dans la transmission de l’amour du 7ème art.
Lui-même passionné de cinéma, il se fixe dès le secondaire l’objectif de devenir critique de film. Il s’investit alors déjà dans son journal étudiant. Son conseiller d’orientation de l’époque lui indiquera le chemin à suivre pour atteindre son but. Martin complète donc un baccalauréat en communication, option journalisme, à l’UQAM avant de poursuivre avec une maîtrise en cinéma à l’Université de Montréal. À titre de pigiste, il collabore pendant 19 ans au quotidien Le Devoir.
Devenu cinéphile en grande partie grâce à Mediafilm, c’est pour lui un honneur lorsqu’il en devient, en 2006, le rédacteur en chef.
« À l’époque, Mediafilm était connue surtout des cinéphiles, mais pas du grand public. Quand je suis arrivé en 2006, je me suis donné pour mission de faire entrer l’organisation dans la lumière. »
« Le quantitatif l’a emporté sur le qualitatif. Ainsi, le box-office d’un film a aujourd’hui plus de poids, auprès des spectateurs de cinéma, que le discours critique. »
« On veut enseigner au spectateur comment lire un film, comment apprécier une œuvre, et faire valoir pour quelles raisons ce film est supérieur à un autre… On veut amener les gens à développer un. »
« Il faut s’adapter continuellement. Le virage était très difficile à entreprendre et très coûteux pour une OSBL. On s’est rendu compte rapidement que non seulement c’était une vague, mais qu’il faut continuer à surfer dessus et être constamment à l’affût. »
À l’instar des médias traditionnels, Mediafilm doit faire face aux défis de l’innovation technologique, mais aussi du financement. En effet, les subventions stagnent et ne répondent plus à la croissance de l’organisation. Ainsi, pour conserver l’apport inestimable de l’agence à la culture québécoise, il devient nécessaire de penser à de nouvelles façons d’aller chercher des revenus.
« C’est sans regret. J’aime beaucoup vendre quelque chose en quoi je crois vraiment. Mediafilm, ce n’est pas une juste une cause, c’est un projet, c’est quelque chose qui est en mouvement et j’ai envie de suivre ce mouvement et de le faire connaître. Je ne serai jamais rassasié de ça. »