Martin Loutrel
Martin (à gauche), cofondateur de la Bacchanale, au côté de son associé, Victor
À 27 ans, Martin est déjà un « serial entrepreneur ». En 2010, il entre à HEC Montréal au baccalauréat en Finance et Économie. C’est là qu’il a sa première vraie expérience en création de projet en s’investissant dans AIME, une association qui permet aux élèves de monter, de A à Z, leur projet humanitaire. Grâce à ses cours d’entrepreneuriat, il se découvre par ailleurs une passion pour le sujet et prend rapidement plaisir à « bâtir quelque chose à partir de rien. »
Fan de musique, la transition vers l’événementiel se fait naturellement. Avant même de terminer son bac et déçu de l’offre musicale à Montréal, (il sent qu’une partie de la population n’est pas représenté) il monte Orphée avec un camarade d’école. Il fera ainsi venir les artistes qu’il aime, comme Protoje, Soom T ou Biga Ranx. En parallèle à ces concerts où se joue principalement du reggae, il fonde la Bacchanale avec deux amis pour couvrir un autre style de musique qui lui tient à coeur : la musique électronique.
Depuis, la Bacchanale a organisé des événements rassemblant des milliers de personnes et mettant en vedette des artistes internationaux comme Ben Klock ou Nina Kravitz. En 2015, il met également sur pied le festival Ancient Future, dont la dernière édition a fait danser plus de 5 000 participants au début du mois de septembre 2017.
Fier de sa marque, il s’y consacre entièrement après la fin de ses études et y investit temps et énergie, parfois sans compter.
« Mon premier défi a été d’allier ma volonté d’être entrepreneur dans le milieu culturel et ma vie personnelle. 90% de mon temps allait sur mes projets, et il m’arrivait de mettre en danger ma sécurité financière. Je faisais mon truc et je regardais à la fin du mois comment payer mon loyer. »
Entrepreneur hyperactif, Martin est motivé chaque jour par l’envie de créer quelque chose de nouveau. Son objectif à long terme est de partager une expérience hors du commun avec ses publics. Il regorge d’idées pour de nouvelles façons de présenter son projet et lui donner une dimension expérientielle. Il veut ainsi mettre en avant des artistes de la scène locale et underground dans ses événements, mais aussi le festival en lui-même en alliant arts du cirque et musique électronique. Parmi ses modèles : le festival Burning man et le Cirque du Soleil. Pour lui, l’aspect créatif à une place de taille dans ses projets et concorde toujours avec ses objectifs entrepreneuriaux. Il admet : « Les purs créatifs vont souvent dire que je suis trop businessman, et les businessmen que je suis trop dans la créa, c’est difficile de danser avec les deux. »
Dans son organisation, Martin essaye de transmettre au mieux sa vision, tout en restant à l’écoute et en apprenant de ses employés. Aujourd’hui, il n’hésite pas à leur donner des responsabilités, comme il l’a fait pour Vincent, un étudiant de HEC à qui Martin a confié le booking des artistes.
« Il a envie de faire venir des artistes qu’il aime, comme moi à son âge. Aujourd’hui, moi, je suis plus dans la gestion et de la création d’entreprise et je ne passe pas ma vie à sortir, il est plus au courant que moi de ce qu’il se passe sur la scène musicale actuellement. »
Cet entrepreneur n’a pas peur de relever les défis, nombreux en événementiel. À Montréal, la scène musicale doit répondre à un public très multiculturel qui évolue rapidement. En parallèle, il lui faut réussir à prouver le sérieux de son organisation auprès de la ville pour parvenir à dégager des partenariats et des subventions dans un secteur déjà difficile et alors que les événements de musique électronique ne bénéficient pas d’une réputation exemplaire.
Martin se souvient s’être fait dire à plusieurs reprises qu’il n’arriverait pas à rester debout face à ces problématiques. Il est vrai que le milieu est rude et qu’un grand nombre de collectifs musicaux et d’agences d’événementielles voient le jour à Montréal et ne parviennent pas à se rendre très loin dans l’aventure entrepreneuriale.
S’il est aujourd’hui en période de transition après avoir fait face à plusieurs grandes difficultés, Martin reste résilient et compte bien faire perdurer l’aventure, même si celle-ci doit prendre un nouveau nom. Pour le fondateur de la Bacchanale, il n’en est aujourd’hui « qu’à 20% » dans l’évolution de son projet.
« Je vais pas lâcher le projet et je veux l’amener au next level. On m’avait mis beaucoup de barrières, mais j’aime les repousser et me dire qu’il n’y a pas de limite à ce que je fais.Mon but c’est que mon festival soit le meilleur festival de Montréal et que la Bacchanale existe dans le monde entier. »
En entrepreneuriat, c’est bien connu, ces crises sont nécessaires pour s’améliorer. Il profite notamment de cette pause pour prendre du recul et apprendre de ses erreurs. Parmi elle, l’envie de tout faire, et en même temps. Il reconnaît que l’organisation du festival, sur lequel il s’est donné à 200%, à eu un impact certain sur ses événements Bacchanale. Très attaché à cette marque, son plus grand regret sera de ne pas avoir mis de côté certaines soirées pour en conserver la qualité globale.
Cette période délicate aura aussi permis de faire ressortir des différences à l’interne. Conscient que ses collègues n’ont pas les mêmes attentes pour le projet, il insiste sur l’importance de la transparence.
« Il faut que les peurs de chacun soient bien exprimées, la vision partagée, tout juridiquement bien signé : on s’en rend pas compte au début mais ça va sauver des problèmes dans le futur, il va toujours y en avoir un qui sera moins intéressé. Tout le monde n’est pas prêt à faire les même sacrifices. »
Loin de l’avoir découragé, Martin prend tous les défis auxquels il a fait face comme des apprentissages pour faire un jour de son rêve une réalité. Il est impatient de reprendre de plus belle dans le domaine qui le stimule le plus : la création de projet.
À l’intention de tous les aspirants entrepreneurs créatifs et culturels, Martin donne ces trois conseils retenus de son expérience :
- Attendez-vous à ce qu’il n’y ait pas d’argent
- Prenez le temps de bien faire votre projet, de définir votre structure légale, juridique et votre plan d’affaire
- Sachez qu’il faut avoir la motivation et être prêt à partir pour au moins 5 ans de travail intensif avant de trouver l’équilibre.
- Et son conseil bonus : lancez-vous !