Enchantée Marie-Michèle ! Faisons connaissance, qui es-tu? 

Bonjour, moi c’est Marie-Michèle! Mon travail consiste à décortiquer les mouvements émergents et accompagner les organisations dans l’élaboration de stratégies qui répondent aux besoins de la société de demain. Je suis aussi l’auteure de Rien de neuf – Guide pour une consommation écologique, économique et engagée (Les Éditions de l’Homme, 2024). J’ai un parcours en design et gestion de la mode ; j’ai un baccalauréat et un DEC en design de mode. Mon parcours dans le milieu de la mode a davantage évolué du côté des tendances, mais en faisant ma maîtrise, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas d’emplois dans ce secteur. 

C’est pour ça que je me suis lancée à mon compte. Je me suis plutôt intéressée à la tendance durable, aux tendances de fond et ça m’a fait sortir beaucoup du cadre de la mode. Finalement les clients avec lesquels j’ai travaillé n’étaient pas dans la mode donc je suis allée chercher autre chose et entre temps l’ESG UQAM m’a appelée pour commencer à enseigner le cours d’Analyse des tendances et des styles de vie.

Soudainement, j’ai un chapeau d’experte ; je n’avais plus besoin de prouver et là j’ai été très visible dans les médias, on m’appelait beaucoup. Puis j’ai finalement sauté dans la prospective. Je travaille désormais dans un organisme public, mais tout le réseau que je me suis bâti pendant mes années dans le monde de la mode, je le garde, je l’entretiens et j’enseigne toujours dans ce domaine. Enfin, nouvellement, j’ai lancé le projet Rien de neuf qui vient d’une envie personnelle de parler de comment consommer de manière différente. Cela part d’un parcours personnel. 

Rien de neuf s’intéresse à comment consommer de façon alternative, soit : l’emprunt, l’échange, la location, en complément avec le marché d’occasion. Meubles, objets, vêtements : le but c’est de trouver ces produits-là sans les acheter neufs.


Comment est né Rien de neuf, peux-tu nous parler de son histoire et sa mission?

Sa mission c’est vraiment d’inspirer de façon non culpabilisante à consommer de façon différente. Il y a beaucoup d’initiatives qui sont très locales, très petites, dont on entend très peu parler. Je veux amener des solutions, au lieu de juste de réprimander les gens qui consomment trop. J’ai eu l’inspiration dans la lecture d’un livre qui s’appelle « Zero altitude : How I learned to fly less and travel more », dans lequel une journaliste de voyage britannique relate son expérience d’avoir arrêté de prendre l’avion, en énumérant les alternatives : la marche, l’auto, le bateau, le train. C’était depuis 2017 que je n’achetais plus de vêtements neufs donc je me suis dit « Ah! ».

En lisant ce livre-là, je me suis dit moi qui suis experte en mode, pourquoi ne parlerais-je pas des alternatives aux vêtements neufs, à savoir l’échange, l’emprunt, la location, etc. Il y a des études qui disent que les ventes de seconde main vont surpasser celles de fast-fashion en 2026, donc c’est bientôt! On voit que l’engouement est vraiment là, notamment la génération Z qui est un peu porteuse de celle-ci. 

Une fois que j’ai eu l’idée en tête, il a fallu se mettre en action ! (Rires) J’ai fait un pitch à 3 éditeurs au Québec dont un m’a répondu de façon positive. Après ça, on a élaboré la table des matières ensemble et on a élargi cela bien au-delà de la garde-robe pour que ça inclue les outils et autres. 

Le fait que Rien de neuf était sur la mode, mais aussi sur autre chose ça nous différencie de ce qui était déjà disponible chez les autres éditeurs québécois. Le fait que ce soit aussi classé par moments de vie ça a été bien reçu, que ce soit fait pour être un guide pour que les gens puissent vraiment s’y référer, un peu comme un livre de recettes.

Mon étude de marché rapide ça a été de regarder dans les livres à paraître et les livres parus ; il y avait vraiment beaucoup de livres chez tous les éditeurs québécois qui parlaient de réduction des déchets, réductions agroalimentaires, tout ce qui était dans la cuisine ; donc, comment réutiliser ses déchets et réduire le gaspillage. Mais il n’y avait rien sur les objets de consommation. Donc ça a fait partie de mon résumé. Parce que l’industrie du textile par exemple est la 2e plus polluante au monde.

Pourquoi l’entrepreneuriat?

J’ai réalisé qu’il fallait que je vende mon service, mon produit, mon expertise. Apprendre à se vendre, ça c’est quelque chose que l’entrepreneuriat t’enseigne rapidement, facilement, notamment la façon de faire un résumé. J’ai envoyé un courriel qui était très court, très concis et ça a fonctionné. La façon de s’organiser aussi, car on est un peu laissé.e.s à soi-même. 

Apprendre à s’entourer avec qui est-ce qu’on fait des entrevues, oui, mais aussi se créer une communauté autour de nous des gens qui croient en notre message et peuvent relayer l’information. 

Je me suis rendu compte pendant l’écriture que j’étais déjà beaucoup dans la communauté de Rien de neuf; j’étais beaucoup dans l’échange, dans l’emprunt. Ça n’a pas été compliqué de trouver les personnes avec qui je voulais avoir des entrevues et celles et ceux à qui je disais « j’ai un projet un peu fou, est-ce que ça te tente d’en discuter ? », ils me disaient tous oui ; tout le monde était prêt à contribuer. Garder son réseau actif, ça m’a servi. Même chose quand on est entrepreneur.e, même chose quand on est auteur.e. 

 

 

As-tu fait face à des enjeux et/ou difficultés durant ton parcours entrepreneurial, et si oui, lesquel(le)s?

L’éditeur avait beaucoup de pain sur la planche ; il a dû retarder le lancement 2 ou 3 fois. Ce n’est pas écrit dans le contrat ce qu’on fait à ce moment-là. Donc être capable de s’adapter, ça c’est quelque chose de tous les jours. Apprendre à vivre avec les changements, l’incertitude. 

La perception de soi peut être une embûche. J’ai donc bloqué mon emploi du temps pendant deux mois juste pour écrire. Je n’avais jamais écrit de livre auparavant. Le pire frein c’est nous-mêmes. J’ai commencé mes deux mois de congés en me disant que je n’arriverais peut-être pas à écrire. Je crois que c’est le PDG de Virgin qui disait « En entrepreneuriat, si tu ne sais pas comment faire, dis oui et tu verras ». Donc l’embûche de ce projet c’était moi, j’étais mon propre frein. 

Cependant, je n’ai pas tant eu le syndrome de l’imposteur. En fait je me suis très vite dit : « si ce n’est pas toi qui l’écris, c’est qui au Québec? » C’est là où je me suis concentrée sur la mission qui était bien plus grande que mon petit sentiment d’imposture. Si je peux changer le comportement ne serait-ce que d’une seule personne qui aura lu le livre, je serais vraiment heureuse. Mon éditeur a des gens beaucoup plus connus que moi, mais peu importe. J’ai suivi mon intuition, trouvé mon propre système. 

Quelles sont tes forces comme entrepreneure – puis qu’est-ce que tu veux travailler?

Je pense en premier lieu à l’intuition. Je pense que toute cette démarche était très intuitive. J’ai eu un dilemme interne à me dire « hey tu as passé sept à dix ans de ta vie à essayer de t’établir en tant qu’experte en tendances et là tu t’en vas écrire sur la consommation responsable et l’économie de seconde main? » Je me demandais si j’allais être perçue comme une experte mode de seconde main et plus une experte de prospective. J’ai eu ce dilemme au début, mais finalement je vois que tout ça s’imbrique l’un dans l’autre. 

C’était très intuitif et je m’identifie comme une femme qui est beaucoup plus intuitive maintenant qu’avant. Tout le monde veut aider tout le monde dans son offre de services et je pense que mon intuition compte beaucoup dans ce projet-là. 

Ce que j’aimerais travailler? Je dirais mon attention au détail (rires), mais je ne sais pas si j’ai tant envie de travailler dessus. C’est une bonne question. 

As-tu un conseil pour les entrepreneures en devenir, un petit mot de fin?

S’inspirer d’autres industries. L’idée du livre m’est venue en lisant une autre auteure qui, elle, parlait de voyage. Ça a été transposé. Faire de la veille, regarder les petits signaux qui passent dans les nouvelles, qui pourraient devenir une grande chose dans le futur et pourraient avoir un impact sur nos industries dans le futur. Être à l’affût et s’inspirer d’autres modèles d’affaires. Penser à comment un modèle d’affaires appliqué dans une industrie pourrait l’être dans une autre, donc regarder les industries de façon transversale.

Autre conseil : suivre son intuition et penser à ses cycles, pas seulement menstruels, mais aussi ses cycles de saison, c’est-à-dire les moments où les gens sont plus ouverts à faire des achats, par exemple Noël, et savoir capitaliser ces moments-là. Je dois identifier les cycles au sein de mon entreprise et après cela planifier, et ça veut dire de refuser aussi certaines rencontres qui ne sont pas alignées avec mon envie ou mon niveau d’énergie à ce moment-là.

Et je dirais être inconfortable dans l’incertitude, on apprend toujours un peu sur le tas.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter à toi pour cette année?

J’aimerais ça un deuxième livre! (Rires)

Commençons par une version anglophone de Rien de neuf pour le reste du Canada, je me le fais souvent demander! Présentement je suis beaucoup dans la phase sensibilisation, panels et j’aimerais pouvoir sensibiliser à d’autres niveaux: parler aux municipalités, être invitée dans des villes, chez des élus, pourquoi pas commencer à voir des programmes et politiques en lien avec l’économie circulaire dans nos communautés? Ce qu’on peut me souhaiter, c’est trouver l’équilibre entre mon implication, mes activités professionnelles et rémunérées et les mille et un projets que Rien de neuf me donne comme idée de faire.