Enchantée Lia! Faisons connaissance, qui es-tu?

Je m’appelle Lia, je suis la fondatrice de À la trois média, une agence créative de podcasts à impact. On s’est déjà croisées à quelques occasions, mais c’est la première fois qu’on se présente officiellement! Je suis franco-italienne et ça fait 11 ans que j’habite au Québec donc ça fait un moment, je me considère montréalaise. Je suis entrepreneure depuis 4 ans.

J’ai commencé juste en lançant mon podcast avec deux amies et ensuite, c’est devenu une entreprise.


Comment est née À la trois média, peux-tu nous parler de son histoire et sa mission?

À la trois média est née quand j’étais à la maîtrise. En fait, j’ai fait mes études à HEC Montréal, en partie, et un jour, pendant un cours de management, une des profs nous demande de citer des femmes d’affaires qui nous inspirent et des femmes d’affaires québécoises.

Cela m’a vraiment marquée parce qu’à ce moment-là, je suis très impliquée depuis des années dans l’entrepreneuriat féminin. Dans ce milieu, j’ai fondé l’ONU Femmes à l’UDEM ; j’étais quand même impliquée là-dedans.

J’étais également dans le comité Femmes en affaires de HEC, mais j’étais incapable de citer une femme d’affaires à part Michelle Obama, qui n’est même pas vraiment femme d’affaires. J’ai eu du mal à citer des exemples qui me ressemblaient. Et ça m’a vraiment choquée. Puis, dans la salle, elle a posé la question puis personne n’a été capable de citer. Le seul nom qui est sorti ça a justement été Michelle Obama puis Christelle Germain comme entrepreneure québécoise.

Mais bon, à ce moment-là, je n’avais jamais entendu parler d’elle, même si maintenant, c’est quand même une des grandes figures que je connais, évidemment. Puis, elle a demandé de citer des hommes. Et là, toute la classe a commencé à citer Elon Musk, etc. Puis, ça m’a fait un genre de « wake-up call ». Je me suis dit « Ouf, l’écart se creuse très jeune parce que tous ces hommes-là dans la classe, ils ont des modèles auxquels ils aspirent à atteindre ». Et nous, jeunes femmes qui font les mêmes études qu’eux, c’est plus dur de se projeter dans ce qu’on veut faire plus tard parce qu’on n’a pas les mêmes exemples. Et encore, je suis une femme blanche, je ne suis pas racisée donc c’est encore plus facile pour moi que pour beaucoup d’autres femmes qui ne voient pas des modèles qui les représentent.

Suite à cela, on a décidé de lancer à un podcast avec deux amies, que j’ai embarquées dans le projet. On a créé notre podcast qui s’appelait « Podcast Femmes en Affaires ». Et en parallèle, on a commencé à présenter des modèles d’affaires féminins du milieu québécois pour montrer un peu aux jeunes femmes en gestion ce qu’elles pouvaient atteindre et les différentes opportunités de carrière. Et ça a pris de l’ampleur.

Pendant la COVID, on a eu nos premier.e.s client.e.s qui étaient des invités du podcast qui nous ont demandé de les aider à partir de leur propre podcast. Et c’est comme ça qu’on s’est dit « Ah, il y a une opportunité ». Parce que nous, on avait dû apprendre par nous-mêmes, on a été autodidactes. C’est moi qui m’occupais de toute la partie technique, donc j’ai dû apprendre à faire du son, j’ai dû apprendre à faire du montage.

J’ai ensuite appris à mes associées et on s’est rendu compte qu’en fait, il manquait des outils d’accompagnement, un accompagnement vraiment personnalisé. Parce qu’à l’époque, il n’y avait pas vraiment de studio de podcast. C’est comme ça qu’on a commencé, on a fait ça pendant un an à peu près, un peu à notre façon. Puis, en 2022, j’ai décidé de quitter mon job et de me lancer, de le tenter à 100%. Je suis rentrée dans le programme fondatrice de Startup Montréal dans Québec Tech et c’est vraiment grâce à ce programme que je suis devenue entrepreneure. Je ne me définissais même pas comme entrepreneure auparavant, je disais que j’étais « podcasteuse », que je faisais ça sur le côté, gros syndrome de l’imposteur! 

Puis, j’ai rejoint le programme Entreprisme de la base entrepreneuriale ; à partir de là, l’entreprise a pris un gros essor. Depuis, notre mission est la même : mettre le podcast au service du changement et plus particulièrement pour une meilleure représentativité dans les médias, mais à travers le podcast ; les médias traditionnels, c’est encore un autre enjeu. On travaille beaucoup sur mettre de l’avant le plus de modèles différents, faire parler plus de personnes, les gens qui n’ont pas forcément la parole, de plein de façons; en les invitant comme intervenant.e.s, comme animateur.trices, on a aussi des contenus maison que l’on produit, on essaie de montrer des modèles, on a aussi un fonds spécial de financement qui nous permet d’accompagner certains projets. 

Pourquoi l’entrepreneuriat?

L’entrepreneuriat s’est vraiment présenté à moi. Je ne viens pas d’une famille d’entrepreneurs. Tout l’opposé, en fait. Mais mon cercle proche, c’est-à-dire mon conjoint et sa famille, sont tous entrepreneur.e.s. Je pense que ça m’a influencée. Mais je ne connaissais pas ce milieu. Je ne pensais même pas que c’était accessible. Ça s’est présenté à moi. Mais j’ai toujours été quelqu’un qui vit par les projets ; j’ai toujours été très impliquée. 

Depuis que j’ai commencé mes études à l’université, j’ai toujours été dans les associations étudiantes, à créer des projets, etc. Je pense que je l’avais en moi. Par exemple, on a fondé le chapitre de l’ONU Femmes et de l’université Montréal. C’était mon premier projet vraiment de A à Z. Je pense que ça m’a donné un peu la fibre. 

D’ailleurs, c’est grâce à ce projet-là que j’ai fait plus de recherches sur les rôles modèles parce qu’on a été invitée au sommet de l’ONU Femmes. D’ailleurs, tous les panels nous parlaient de la force de la représentation, du besoin pour l’« empowerment » féminin, que c’était ça qui faisait la différence avec le plafond de verre, etc. 

Je pense que ça a beaucoup travaillé en moi. J’étais étudiante, j’ai eu des bourses, HEC m’a énormément soutenue là-dedans, nous a soutenu dans l’équipe. Ça a beaucoup aidé aussi.


As-tu fait face à des enjeux et/ou difficultés durant ton parcours entrepreneurial, et si oui, lesquel(le)s?

Comme beaucoup de femmes, le syndrome de l’imposteur. Commencer rien qu’à utiliser le titre d’entrepreneure, ça a été un gros « step ». Maintenant, je le dis et je suis fière. Mais je me souviens durant les premières années, c’était bizarre. C’était vraiment très, très bizarre. Je pense que porter la casquette d’entrepreneure et de cheffe de projet, c’est quand même un gros défi. Je pense que ça m’a beaucoup appris sur moi, sur ma gestion du risque aussi. Je pense que sociologiquement, en tant que femmes, on est peut-être moins éduquées à travailler ça, apprendre à prendre des risques, à se faire confiance, à s’écouter. Ça a été quand même un « challenge ».

Sinon, comme tout le monde, le fait de se faire confiance, d’essayer. Parce que souvent, les premières années, quand on démarre, on n’a pas de revenu, on doit s’accrocher le temps d’arriver à l’étape où on est capable de se payer. 

HEC m’a vraiment permis d’accepter que j’étais en train de monter une entreprise, que j’étais une entrepreneure. Ils travaillent beaucoup sur le savoir-être et je pense que ça m’a vraiment énormément aidée à me comprendre, à me questionner. Ce n’est franchement pas facile. Je trouve que l’entrepreneuriat, c’est une thérapie intensive et forcée! (rires) Parce que tu n’as pas le choix ; il faut avancer, mais en même temps, tu te questionnes. C’est vraiment essayer de trouver des mécanismes pour se comprendre et pour être capable de s’apaiser.

Je me souviens qu’au début, quand je disais que je fais des podcasts, les gens me disaient que j’étais influenceuse. Ça n’a rien à voir parce que je ne fais pas de la création de contenu comme telle. C’était vraiment cette espèce de dichotomie d’accepter ce statut-là. L’exemple de l’entrepreneur qu’on a, c’est un jeune homme. 


Quelles sont tes forces comme entrepreneure – puis qu’est-ce que tu veux travailler?

Je dirais que je suis quand même très optimiste. Je suis vraiment capable de voir le bon côté des choses et je suis beaucoup dans la gestion de problèmes. C’est-à-dire que je trouve que je suis très orientée solution et j’essaie toujours d’être la plus à l’écoute possible. 

Ce que j’aimerais peut-être plus travailler, ce serait la partie plus formelle. Je suis beaucoup dans l’action, j’aimerais être un peu plus aussi dans les processus, un peu plus administratrice; c’est dans mes objectifs cette année. Je suis en train de mettre en place plein de processus pour ma croissance, je pense que c’est quelque chose que j’aimerais « step back » un peu plus, je suis rendue à une étape où je suis prête alors maintenant il faut que je prenne le temps de le faire. 


As-tu un conseil pour les entrepreneures en devenir, un petit mot de fin?

Ne pas attendre. Ne pas attendre que ce soit parfait. Il vaut mieux commencer, il vaut mieux que ce soit imparfait. C’est normal de commettre des erreurs, c’est normal de faire des bêtises, c’est normal de se retrouver dans des situations qui nous font peur. Parfois, de ne pas dormir la nuit, parce qu’on se demande pourquoi on a accepté quelque chose. Il faut contrôler le risque un minimum, évidemment. Mais il faut y aller. Il vaut mieux que ce soit fait de manière imparfaite, plutôt que ça ne soit pas fait du tout. Durant les premières années, j’ai trop attendu que ce soit parfait. Je me disais si je n’ai pas mon produit, mon service qui est optimal, que je ne sais pas répondre à toutes les questions… je me disais mon studio n’est pas assez grand, on n’a pas assez de monde dans l’équipe, mon modèle financier n’est pas parfait, je ne connais pas tous mes canaux de vente, mon site web n’est pas parfait, mon SEO n’est pas fait. Une « landing page », ça suffit, va parler à des gens, fais des tests, adapte-toi. En réalité on s’adapte toujours, on trouve toujours des solutions. Ça ne marche pas? Ce n’est pas grave, on trouvera une autre solution. Il faut juste y aller, puis on s’ajuste, on s’adapte.

Je pense qu’en tant qu’entrepreneure, lâcher prise c’est quelque chose qui est très dur et qui est, je pense, hyper vital. C’est un truc sur lequel j’essaie de travailler chaque jour. Le soir, il est 19h, tu travailles depuis 7h le matin, puis tu as des courriels qui rentrent ; c’est là qu’il faut savoir lâcher prise. On ne sauve pas des vies, ce n’est pas grave. Lâchons prise. OK, on a commis une erreur dans un aspect, mais ce n’est pas grave. Sinon, c’est très difficile de profiter de la vie. Moi je le fais pour la liberté et pour la passion, mais surtout pour la liberté. Si je m’enlève la liberté parce que je suis trop angoissée, ça n’a plus vraiment de sens.

Oh, le service client c’est hyper important aussi, de vraiment prendre soin de ses client.e.s. Si tu prends bien soin des client.e.s et de tes partenaires, tu vas être capable de faire des erreurs et d’essayer parce que les gens vont être là pour te donner de la rétroaction et pour t’encourager.

 
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cette année?

De continuer à me stabiliser, puis d’arriver à avoir une croissance durable, avoir une belle équipe, de beaux projets. J’ai envie de continuer à avoir de l’impact et continuer à rencontrer des gens qui écoutent nos podcasts et qui disent que ça les a inspirés ; ça, c’est la plus belle chose. Continuer à faire ça ce serait vraiment le fun!