Enchantée Catherine ! Faisons connaissance, qui es-tu ?
Je m’appelle Catherine, je suis entrepreneure. J’ai démarré Mécanique féministe clairement grâce à votre programme de Soutien aux travailleurs autonomes. Je suis dans le milieu du vélo, principalement de la mécanique de vélo, mais pédagogique; la réparation, le partage de connaissances, l’apprentissage.  

Comment est née Mécanique féministe, peux-tu nous parler de son histoire et sa mission ?
Cela fait plus d’une dizaine d’années que je suis impliquée dans le milieu communautaire de la mécanique vélo, puis que je suis passionnée par ça. 

Avec la pandémie, j’ai mis de côté mes études en aménagement du territoire et en développement urbain ; j’étais en doctorat puis c’était trop de travail à la maison, seule devant l’ordinateur, trop peu de diversité donc j’ai commencé à m’impliquer plus dans le milieu. J’y ai vu plein de manques et je recevais plein de demandes. Les ateliers communautaires reçoivent plein de demandes pour offrir autre chose qu’eux ne sont pas capables d’offrir, alors c’est là que l’idée de Mécanique féministe a commencé. Je me suis dit « pourquoi pas me lancer en affaires ? »

D’une part pour réussir à offrir quelque chose qui n’est pas un atelier communautaire de mécanique vélo, mais qui offre plutôt des services complémentaires à ce type d’offres-là. D’autre part qui les aide, les accompagne au développement. J’ai réfléchi aux compétences et capacités que j’ai, comment je fais quelque chose qui me ressemble et qui va être utile pour les gens. Donc j’ai voulu mettre ensemble un peu de moi, de ma personnalité et ce que j’entendais comme un besoin et une demande. 

Finalement dans la réalité, il y a principalement des besoins en termes de mobilité, vélo, mécanique. Mon quotidien est très varié, mais je dirais que c’est principalement une part d’enseignement de mécanique vélo, ainsi que l’accompagnement des gens dans leurs apprentissages pour qu’après ils continuent à partager leurs connaissances. Sinon je fais beaucoup de prises de contact avec les organismes, j’offre des services. Par exemple, il y a beaucoup d’organismes qui font appel à mes services, car il n’y a pas d’ateliers mécaniques dans leur quartier, ou que c’est une ressource trop dispendieuse, par exemple pour une population qui n’a pas les moyens de faire réparer leurs vélos. 
Pourquoi le nom Mécanique féministe ?
Je dirais que la première chose à souligner c’est que ce n’est pas de la mécanique seulement pour les femmes, ce n’est clairement pas ça. Mécaniste féministe est accessible à toutes et à tous. Le milieu de la mécanique est traditionnellement un milieu de travail masculin. Je voulais démontrer qu’il n’y a pas forcément lieu d’être un homme pour faire de la mécanique et qu’une femme peut très bien se développer et s’épanouir dans ce milieu. La mécanique est quelque chose qu’on peut faire, apprendre, peu importe notre force physique, nos capacités, notre parcours. Il n’est pas trop tard. 

L’entrepreneuriat, ça devient notre vie au complet, ce n’est pas juste un travail de 8 à 4 du lundi au vendredi ; c’est un mode de vie.
Catherine Bilodeau
Pourquoi l’entrepreneuriat ?
J’entendais un besoin. Comme j’étais impliquée dans le milieu communautaire du vélo, souvent ce sont des gens qui font ça à côté de leur travail, de manière bénévole. Mais dès qu’on a des enfants par exemple, des changements de vie ou autre, on a moins le temps de s’impliquer aussi. Souvent on avait de la demande qu’on était juste en train de décliner, on n’avait pas la capacité, ça c’était quelque chose qui revenait souvent. Donc je savais qu’il y avait une demande du milieu, tant du milieu communautaire, que des bibliothèques, des collèges, des cégeps, des secondaires, que des particuliers.

Avec Mécanique féministe je n’ai pas de local, je me déplace. Donc je peux me déplacer avec mes outils, ma remorque, les vélos, des pièces de démonstration, dans un HLM, dans une bibliothèque, dans une ruelle, aller ponctuellement à un endroit où les gens n’ont pas la capacité ou le désir assez grand pour rentrer dans un atelier de mécanique. Se déplacer ainsi c’était quelque chose qui n’était pas vraiment disponible sur le marché, ou alors dans le milieu privé, mais à un coût complètement différent. 

Je ne suis pas toute seule ; je fais cela grâce à des partenaires communautaires qui croient en moi.

As-tu fait face à des enjeux et/ou difficultés durant ton parcours entrepreneurial, et si oui, lesquel(le)s ?
Oui, je dirais lorsque je faisais le développement du plan d’affaires par exemple; le fait de devoir penser à tout, à comment m’assurer que c’est vraiment pérenne et viable, que je ne me lançais pas dans un cul-de-sac économique. J’avais de la misère à relier le terrain, le milieu, mes expériences, mon réseau, avec un plan d’affaires calculé, planifié, etc. J’avais l’impression d’être malhonnête dans mon plan d’affaires, j’avais ce sentiment d’imposteur au début, mais c’étaient vraiment des pensées limitantes. Aujourd’hui je suis très heureuse. La mesure de Soutien aux travailleurs autonomes m’a vraiment aidé à me dire que c’était « risk-free » de me lancer. 

Autrement pour l’instant, je dirais que la difficulté c’est d’être victime de mon succès! (rires) Je n’arrive pas à me dire que je vais continuer à développer Mécanique féministe, aller demander des subventions, engager des gens, augmenter mon offre de services, car j’ai tellement de demandes que je suis déjà en train de dire non à des gens alors que ce sont des projets qui me tiennent à cœur, que j’aime, que j’ai envie de voir naître. Donc je fais face à l’enjeu de comment continuer à croître. 

Sinon dans les autres difficultés, même si j’ai vraiment été chanceuse et encadrée dans mon projet, ma réalité d’entrepreneuriat est peut-être un peu différente de la majorité des entrepreneur(e)s qui sont dans la vente de produits et/ou services, la vente client. En effet, la manière avec laquelle j’ai développé mes services c’est pour les organismes communautaires ; c’est un milieu qui est beaucoup moins site web, virtuel, en ligne, tout ce qui est réseaux sociaux. Je suis à peine présente dessus, j’ai un site web, mais il y a 3 personnes qui l’ont consulté depuis qu’il existe. Le milieu communautaire est tellement en demande, surchargé, qu’il est en retard technologique ; il est plus sur le terrain, avec l’humain, la relation, le sur place. Ce sont des méthodes plus traditionnelles et ce sont celles que moi j’utilise encore le plus. Quand je vais à des fêtes de quartier, des événements de quartiers, les gens me découvrent, j’en parle, c’est ainsi que mon modèle se développe puis ça correspond moins à la réalité plus grande de l’entrepreneuriat aujourd’hui. 


Quelles sont tes forces comme entrepreneure – puis qu’est-ce que tu veux travailler?
Une de mes forces c’est mon réseau, qui m’apporte des contrats, qui me réfère à d’autres gens, c’est vraiment une force entrepreneuriale. Comme ça faisait longtemps que j’étais impliquée dans un milieu, ça facilite vraiment beaucoup d’avoir un réseau agrandi. Sinon dans mes forces, j’ai aussi un parcours académique, tout ce qui est écriture, rédaction, si j’ai des demandes à faire, j’arrive à articuler ce que je veux, le présenter aux gens, c’est sûr que c’est un facilitateur.

Dans mes faiblesses, ou choses qui seraient à travailler, c’est la gestion des priorités, l’ordre des choses, il y a tellement de demandes parfois, j’aurai besoin d’outils technologiques de ce côté-là.

Dans une autre réalité de femme, je prends soin de ma maman qui a un cancer au cerveau. J’ai une charge d’appels, de suivis, de rendez-vous, qui s’ajoutent, et qui est ma réalité puis la réalité de beaucoup de femmes entrepreneures; soit des enfants, soit des personnes âgées, famille ou autres. Le temps qui disparaît dans notre vie qui n’apparaît pas dans notre agenda. Au final, c’est probablement un dix heures par semaine qui disparaît de mon agenda sans que je n’aie pu planifier, qui n’est pas rémunéré, qu’on ne voit pas, dont on ne parle pas. Comme une personne avec un enfant, le temps de l’emmener à la garderie, de le ramener, la collation, les lunchs, c’est du temps qu’on met rarement à l’agenda comme étant une tâche de travail alors que ça l’est. Non rémunéré, mais ça l’est. Et ça repose principalement sur les femmes, on a donc moins le temps de développer nos affaires, notre travail rémunéré, nos loisirs, notre vie, d’apprendre des nouveaux outils technologiques plus facilement, d’être à l’avant-garde de plein de choses. Cette réalité-là rentre dans les forces et faiblesses, elle est quelque part est une faiblesse de société, ce n’est pas ma faiblesse à moi.


As-tu un conseil pour les entrepreneures en devenir, un petit mot de fin?
Ça va être assez classique : s’essayer si elles pensent avoir une idée qui fait du sens, qui les appelle, qui les intéresse! Se lancer!

L’entrepreneuriat, ça devient notre vie au complet, ce n’est pas juste un travail de 8 à 4 du lundi au vendredi ; c’est un mode de vie. Puis je trouve ça tellement le fun de pouvoir inclure mes passions, mes intérêts, mon milieu personnel avec le professionnel. J’ai l’impression d’avoir une cohérence interne avec ma vie et c’est précieux donc je dirais n’importe qui qui ressent cette envie de se lancer vers quelque chose qui les prend personnellement, individuellement, qui fait du sens pour eux, d’y aller. Je me sens à ma place comme jamais ! Donc le classique de « allez-y ! osez ! Écoutez votre instinct ! », mais pas la petite voix dissuasive.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter à toi pour cette année?
On peut me souhaiter de tomber par hasard sur quelqu’un qui aurait envie que l’on s’associe ensemble puis qu’on poursuive nos activités sous un chapeau plus grand, avoir un ou une, ou des partenaire(s) d’affaires ! Ce serait vraiment WOW.