Enchantée Marie-Ève ! Faisons connaissance, qui es-tu?
Je m’appelle Marie-Ève, j’ai 42 ans, je suis maman de deux jeunes filles, une de 4 ans, une de 8 ans. Je suis la propriétaire de Frugal, épicerie, café et maintenant traiteur écoresponsable depuis avril 2022, situé dans l’est de l’île de Montréal.
Je pense que c’est important de dire que je suis une décrocheuse à la base! (Rires). Il y a un long chemin qui s’est fait ; j’ai travaillé en restauration pendant 18 ans, ensuite en design intérieur pendant environ 12-13 ans. J’ai toujours eu le désir d’être entrepreneure, je m’étais inscrite à HEC en création d’entreprise puis finalement je suis tombée enceinte et j’ai redirigé mon parcours vers la gestion d’entreprise, pour finalement après avoir eu mes deux enfants, me rediriger vers l’entrepreneuriat. Je suis à temps plein sur Frugal depuis 2021, mais j’ai ouvert en 2022. Je suis présentement toute seule dans l’entreprise.
C’est toujours une question complexe, car c’est vraiment un processus sur plusieurs années, un cumul d’expériences. Mais grosso modo, en 2012, j’ai eu de gros problèmes de santé ; il y a certains aliments que j’ai dû retirer de mon alimentation et ces aliments-là se trouvaient majoritairement dans des aliments transformés, ce qui m’a emmené à prendre le temps à l’épicerie de regarder les étiquettes avec les ingrédients. À ce moment-là il y a eu une gigantesque prise de conscience de « Oh mon Dieu, on n’a aucune idée de ce qu’on consomme ». Je me suis mise à faire beaucoup de recherches et on s’est mis à cuisiner pratiquement tout à la maison. On achetait des aliments frais, on allait au Marché Maisonneuve, on a diminué notre apport de viande, on s’est ouvert un peu aux protéines végétales (tofu et compagnie). Je suis chanceuse, car mon conjoint était super ouvert.
L’idée pour Frugal, dans sa version existante, est née lorsque j’étais enceinte de ma 2e fille. C’était une journée estivale, on revenait du parc, il faisait très chaud et je cherchais un breuvage qui n’était pas rempli de sucre et d’additifs puis la seule option qu’il y avait dans notre secteur c’était McDonald’s… Là, je me suis dit qu’il manquait quelque chose. Qu’il y avait une niche et une possibilité. Alors je me suis mise à penser à ça. La mission, à la base, c’était de donner accès à une alimentation saine, en vrac, locale et réfléchie dans l’est de Montréal. J’avais sous-estimé l’impact positif d’une épicerie de quartier. Maintenant c’est vraiment devenu un lieu de rassemblement, c’est super agréable. C’est un endroit où il y a de nouvelles mères qui se rencontrent pour discuter de leurs réalités. Frugal fait partie du quartier.
Pourquoi l’entrepreneuriat?
L’entrepreneuriat était une évidence pour moi. Je viens d’une famille d’entrepreneur(e)s donc j’ai vu aussi le côté qui n’était pas facile, je ne m’attendais pas à ce que ce soit tout rose et tout facile. Et j’avais trop de temps libre! (rires)
Je pense que naturellement dans mon tempérament puis dans ma personnalité ça m’allait bien, parce que je suis une personne qui gère bien le chaos et l’incertitude, même si j’aime ça quand c’est ordonné. Puis j’aime beaucoup Excel. Je pense que ça prend d’être capable de s’adapter. En tout cas c’était évident pour moi et j’avais envie de participer de manière concrète au changement. Puis aussi comme je l’ai dit plus tôt, il fallait aussi montrer à mes enfants qu’il n’y a pas juste une manière de procéder, que tu peux avoir un rêve ; si ça fonctionne tant mieux, si ça ne fonctionne pas tant pis. Mais il n’y a rien de perdu en fin de compte.
Un besoin d’aventure aussi, de faire une différence, d’avoir la prise de décision, la liberté (mais ce qu’on ne sait pas c’est que la liberté, ça vient avec beaucoup de défis aussi!)
As-tu fait face à des enjeux et/ou difficultés durant ton parcours entrepreneurial, et si oui, lesquel(le)s?
Depuis 2020 et la crise du COVID, il y a eu notamment l’augmentation des coûts, mais j’ai quand même réussi à bien naviguer dans tout ça. Je pense que ce que j’ai trouvé plus difficile, c’était le lancement du projet. J’ai été très bien accompagnée dès les débuts avec la mesure STA, mais après ça, je me suis retrouvée complètement seule et je n’arrivais pas à avoir d’infos. Je trouve qu’en début de projet, en lancement, il y a beaucoup de possibilités et après ça tu te retrouves un peu seul(e) puis ça devient difficile. J’ai trouvé ça quand même dur. Ça ne fait pas assez longtemps que tu existes pour que les banques te prêtent notamment.
Sinon il y a eu beaucoup la conciliation travail-famille. Je savais qu’au début j’allais devoir travailler beaucoup ; j’étais ouverte 6 jours par semaine quand même, j’avais déjà mes enfants, ma plus jeune avait 1 an et demi. Il y a eu de l’adaptation à ce niveau-là, ça n’a pas été facile, mais on a fini par trouver notre rythme.
Présentement, j’ai une employée à temps partiel et j’ai une amie qui vient dépanner par-ci par-là en échange de services alors ça m’aide puis ça me libère du temps aussi pour faire autre chose. Il faut se rendre à l’évidence qu’à un moment donné on ne peut pas tout faire.
J’ai dû prendre une décision, je ne me paie pas de salaire depuis un an et demi, j’ai pris la décision d’engager quelqu’un parce que côté énergie et qualité de vie ce n’était pas possible, même si je ne me paie pas de salaire depuis un an et demi. Cela m’a donné du temps aussi pour utiliser davantage les médias sociaux, pour m’assurer de la gestion des stocks, etc. J’ai eu une augmentation des dépenses, mais une augmentation des revenus en même temps donc ça s’est bien coordonné. Je ne suis pas encore sur mon seuil de rentabilité, mais on y arrive tranquillement, je travaille fort sur ça, je n’avais pas le choix c’était comme le tout pour le tout. En entrepreneuriat il faut être patient(e) même si ce n’est pas toujours facile, car quand tu portes un projet, que tu y crois et que tu es emballé(e), tu veux que ça aille vite et que ça se développe vite. Mais tu n’as pas le contrôle sur tout et il faut respecter le rythme naturel des choses aussi.
Quelles sont tes forces comme entrepreneure – puis qu’est-ce que tu veux améliorer?
Je pense que je suis une personne persévérante et le fait de travailler en design, ça m’a amené beaucoup de résilience, ce qui est très important.
D’être tournée solution, aussi. Je le savais déjà, mais quelquefois dans un projet d’entrepreneuriat tu ne sais pas nécessairement comment tu vas réagir, parce qu’il y a des coups durs qui arrivent. Et là qu’est-ce que tu fais? Souvent je vais prendre le coup dur, mais rapidement je vais passer en mode solutions : qu’est-ce qu’on fait avec ça? Qu’est-ce qu’on a à apprendre de ça? Que peut-on faire différemment pour éviter ce type de problématiques là par la suite? Je suis quand même contente que ça se fasse naturellement.
Puis je suis quand même assez optimiste même s’il y a des creux. Parfois je me demande si c’est de la naïveté, ou du déni ! (Rires) Je me remets souvent en question ; j’écoute beaucoup les client(e)s. Personne n’est parfait ; il y a toujours possibilité de s’améliorer.
Je veux également apprendre à garder plus de temps pour moi, être davantage patiente, ne pas vouloir aller trop vite. J’aimerais essayer de mieux gérer mon temps, afin de ne pas juste éteindre des feux au quotidien.
As-tu un conseil pour les entrepreneures en devenir, un petit mot de fin?
Nous les femmes, avons un instinct particulièrement développé, mais on a appris à le remettre en question et pas nécessairement à l’écouter. Alors d’expérience, je dirais écouter son instinct. Se remettre en question, mais l’écouter parce que souvent, si ce n’est pas la réponse, ça nous donne quand même un bon indice. Il faut également rester ouverte, prendre soin de soi et avoir du fun!
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter à toi pour cette année?
De trouver mon fameux équilibre travail-famille! (Rires) Me payer un salaire décent. Il y a deux projets qui flottent dans l’air aussi, à voir lequel prendra les devants. À voir comment l’été va se dessiner, mais j’aimerai ça qu’un de ces projets-là voit le jour.