Ce mois-ci, nous vous présentons Marie-Ève Richard, fondatrice de Krabéo 

Enchantée Marie-Ève ! Faisons connaissance, qui es-tu ?  

Bonjour ! Je suis Marie-Ève Richard, une entrepreneure dans l’âme ! J’ai eu deux fois le cancer de la peau ; c’est cela qui m’a amené vers le chemin de l’entrepreneuriat. La maladie a vraiment fait un 360⁰ dans ma vie. Je suis donc la fondatrice de l’entreprise Krabéo spécialisée dans la fabrication de maillots de bain et de vêtements avec protection UPF50+ (anti-UV), et je suis également réalisatrice d’un documentaire sur les dangers des rayons UV. En plus de cela, je suis animatrice d’un balado sur la sensibilisation du cancer de la peau et je suis conférencière auprès des jeunes au Québec.   

Comment est née Krabéo ? Peux-tu nous parler de son histoire et sa mission ? 

Quand j’ai eu l’annonce de ma récidive de cancer de la peau à 39 ans, ça m’a beaucoup « shaké » et j’ai eu peur. Je pense que c’est de là que c’est venu. C’était la fin de ma carrière parce que j’avais un an de traitement à envisager. Ça a touché tous les aspects de ma vie : mes finances, ma carrière, etc. Donc j’ai mis fin à ma vie de photographe et j’ai décidé pendant un an de me laisser aller à ce qui va arriver, de prendre le soin de moi, de me guérir, prendre mon immunothérapie et essayer de passer par-dessus ça. Puis, j’ai commencé à me questionner, à faire le documentaire et je me suis rendu compte que ce cancer était à 90% évitable et ça a fait 1+1 dans ma tête. On allait partir en vacances au Costa Rica avec mon mari et je cherchais des produits d’été, mais je ne trouvais rien sur le marché qui était beau. Je trouvais que la mode de la protection solaire c’était laid, trop grand, pas ajusté et tout se ressemblait. Je m’étais fait livrer plein de maillots puis rien ne me plaisait. Finalement, le seul chandail qui me plaisait c’était une marque d’équipement pour la pêche (rires!). Donc loin d’être pour la plage, ce n’était pas très cute.

C’est lorsque je suis revenue que j’ai décidé de partir ma propre gamme, de me lancer dans cette aventure de l’entrepreneuriat puis de développer mon propre produit. Je suis vraiment partie de zéro, je n’ai pas fait de copie, je suis partie de ce que moi je porterais. Je voulais que ce soit féminin, audacieux et je voulais révolutionner cette mode de la protection solaire en arrivant avec un beau produit. Par la suite, ça a été beaucoup de recherche et développement dans ce milieu-là pour trouver un tissu performant.  

Pourquoi l’entrepreneuriat ? 

Je ne serai pas capable de faire autrement, de faire du 9 à 5 dans un bureau. Mon désir c’est vraiment de faire une différence. Je pense que quand on le fait à notre façon, pour des besoins, je pense que ça vient naturellement. Ce n’est pas un choix que j’ai fait, j’ai juste décidé de concrétiser une idée. Si tu m’avais dit il y a un an que j’aurais fait ça, puis que j’aurais vu tous les défis, peut-être que je ne l’aurai pas fait! (Rires)  

C’est une industrie qui est vraiment difficile, notamment après la pandémie. Faire au Québec c’est quand même un gros défi en soi ; les prix sont plus élevés dans un moment où on est en pleine récession. Tout ça, ce sont de gros défis qui, ensemble, en font un immense pour un début d’entreprise.  

Je ne pense pas que l’on choisisse d’être entrepreneur(e) pour être à la mode. Je pense qu’on l’a sur le cœur, on l’a vraiment tatoué sur le cœur. Sinon je ne ferai pas ça. C’est vraiment pour la cause.  

As-tu fait face à des enjeux et/ou difficultés durant ton parcours entrepreneurial, et si oui, lesquel(le)s ? 

Dans la mesure où mon produit est très niché, je n’avais pas de comparatif au Québec ; il n’y avait pas d’entreprise comme la mienne. Développer un produit sans pouvoir se comparer à d’autres marques qui le font à plus petite échelle comme la mienne, c’est difficile. Il y a eu des enjeux financiers aussi, ça, c’est sûr, mais j’ai quand même eu de l’aide pour partir, notamment avec Créavenir et de belles subventions. Pour lancer l’entreprise, ça va. Une fois lancée, c’est surtout de la faire connaître aux gens, de faire comprendre aux gens le besoin. Mon produit c’est aussi de l’éducation, c’est très niché, c’est ça qui fait que c’est compliqué, car les gens ne savent pas qu’il faut se protéger du soleil. Je ne m’attendais pas à ça, donc ça a été une première difficulté. On pense que parce nous on a le besoin, tout le monde a le même besoin… 

Après il faut se rediriger, il faut vraiment écouter la clientèle donc j’ai été à l’écoute. Puis j’ai été chanceuse parce que mon produit était très bien conçu.  

Donc premier défi, il était de l’ordre financier. Le deuxième défi était le besoin des client(e)s. Ensuite, c’est de croître, essayer de développer d’autres modèles pour apporter de la variété à la marque ; ça aussi c’est difficile, parce qu’autant pour partir c’est financier, autant quand on veut grandir c’est un autre enjeu financier. Trouver un(e) partenaire aussi est un défi, car je suis toute seule, capitaine dans mon bateau et des fois je trouve ça dur. 

Par ailleurs, fabriquer localement au Québec, c’est difficile. Il faut avoir un fort caractère. Il faut vraiment le vouloir, je trouve, pour faire au Québec, car il y a beaucoup d’embûches, beaucoup de bâtons dans les roues. Mais je continue d’y croire parce que je veux encourager mon économie locale, je veux créer des emplois, je pense vraiment qu’un produit québécois c’est important. C’est contre vents et marées, c’est rempli de défis, autant professionnels que personnels. Ce n’est pas tant se démarquer qui est difficile, car je trouve que le rayonnement est quand même facile quand tu as une histoire et que tu es très niché(e), donc la compétition n’est pas vraiment là ; en tout cas, pour le moment, je ne la sens pas trop. 

Je dirais que ce qui est difficile c’est l’industrie du textile, l’inventaire, également le fait qu’il me manque de la main-d’œuvre. Puis pour une entreprise comme la mienne qui est encore à ses balbutiements, c’est difficile de faire de grosses productions ; je ne peux pas faire du 200 ou 300 unités. Ce sont quand même des maillots de bain de haute qualité, ce n’est pas n’importe qui qui peut les faire, c’est de la confection très minutieuse ; je veux un beau produit selon mes standards. Donc ça a été difficile de trouver quelqu’un qui était en mesure de confectionner mes maillots de bain, car je trouve cela important et je n’aime pas le fast-fashion, je n’y adhère pas. Je trouve que, quand on veut un produit de qualité et qu’on y tient, c’est un enjeu. C’est difficile, car tout le monde fait ça vite : il faut faire de l’argent, peu importe les défauts. Je ne dis pas que je suis la seule, mais on est très peu à rechercher autant de qualité. Celle-ci a un prix et elle a surtout son lot de défis, car il y a des choses que je n’accepte pas dans la confection.

Quelles sont tes forces comme entrepreneure et sur quoi veux-tu travailler ? 

Mes forces en tant qu’entrepreneure sont la résilience (quand quelque chose ne fonctionne pas à ma façon), la persévérance et l’écoute des besoins de ma clientèle et non MES propres besoins pour le développement de nouveaux produits.  

Pour ce qui est des choses à travailler: la patience. Les choses qui durent mettent du temps à prendre forme. Autant pour bâtir sa réputation. C’est très difficile d’accepter que ça n’aille pas aussi vite que je le voudrais ou que je l’envisageais.  

As-tu un conseil pour les entrepreneures en devenir, un petit mot de fin ? 

Je pense qu’il faut regarder chaque défi comme une façon d’apprendre, une façon de grandir. Il ne faut pas que ce soit limitant, il faut vraiment le voir comme une force. Je sais que ça fait tellement cliché, mais surtout profite, « enjoy » quand tu es dans le milieu puis le prochain défi prends-le comme un défi et non pas un échec.  

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter à toi pour cette année ? 

Que les produits sortent ! J’ai de beaux produits qui sont en train de faire leur apparition, notamment un poncho pour enfants, que j’espère voir sur la plage cet été. Je le souhaite vraiment. Pour moi ce sera comme une certification que les enfants sont bien protégés. Cinq à sept coups de soleil durant l’enfance, ça augmente de 75% les risques de développer un cancer de la peau. C’est énorme. Il faut les protéger, ils ont des peaux vulnérables, ils ont envie de s’amuser et on a envie de les voir s’amuser au soleil. Alors ce poncho-là, je souhaite vraiment le voir sur la plage cet été. Puis pour moi ce sera mission accomplie!